Le thème choisi par notre conseil scientifique pour cette deuxième année (est-ce un effet de symétrie ?) est centré sur les thèmes du début de la vie.
Sur la bioéthique du début de vie nous risquons, plus encore que sur la fin de vie et le vieillissement, de nous retrouver sur des terrains inconciliables. D’autant qu’elles bousculent la cellule la plus sacrée de notre société : la famille, désormais en chantier. Mais pourvu que les points de vue soient argumentés et explicités. Pourvu que chacun qui les défend puisse énumérer ses prolégomènes et son raisonnement.
On dit volontiers que la valeur d’une culture se mesure à la manière dont elle traite ses enfants et ses fous. On pourrait ajouter à cette liste, ses malades et ses personnes vulnérables. Les nouvelles valeurs transcendantes de nos sociétés modernes, le marché, la transparence, la liberté individuelle, pourraient bien obérer l’idée collective que nous nous faisons de la dignité attachée à la personne humaine. Il s’agit donc bien d’une démarche démocratique qui nous anime ici, offrir à la population la possibilité d’une réflexion individuelle et donc un progrès personnel.
Les questions posées par les biotechnologies du début de vie sont si nombreuses.
Le choix des enfants à naître au travers d’un dépistage prénatal généralisé, non discuté dans le débat public, est-il compris par les couples ? La normalité des nouveaux nés ne risque-t-elle pas de devenir une nouvelle norme sociétale ? Sommes-nous dans une société eugénique ? Où nous mène le développement exponentiel de la médecine prédictive ? La connaissance précise de la filiation génétique est-elle dangereuse pour l’ordre social ? Le bébé médicament, conçu pour soigner un aîné… mais jusqu’à quelle limite ? L’image du handicapé ne risquerait-elle pas de s’altérer puisqu’il est possible d’en prédire la naissance ? Comment les biotechnologies se répercutent sur la famille et la reconfigurent ? Doit-on accepter de traiter des stérilités non médicales (homoparentalité, homofiliation)? Doit-on poser des limites dans le recours aux techniques de procréation médicalement assistée (âge, situation sociale, nombre d’enfants, etc.) ? Que penser de la paternité post-mortem ? Le don de gamètes et d’embryons doit-il continuer à se faire dans l’anonymat du donneur et du receveur ?
Quels sont les arguments pour continuer d’interdire les grossesses pour autrui ? Le droit à l’enfant, soutenu par la gratuité des soins est-il légitime ? Peut-on parler des droits de l’enfant ? La connaissance des maladies génétiques doit-elle être appliquée sans limite au DPN ? Trisomie 21 : où en est-on ?
Le but du Forum Européen de Bioéthique est d’offrir la possibilité à tout un chacun de s’approcher avec ses propres valeurs de ces questions.
C’est précisément cette ouverture, parfois vertigineuse, qu’il nous faut arriver à transmettre pour aider nos contemporains à tourner le dos à tous les «prêt à penser», quelle que soient les qualités rhétoriques de ceux qui les promeuvent.